TÉLÉCONSULTATIONS, QUE PEUT-ON EN DIRE ?
A l’occasion de ce second confinement, le débat sur la pertinence des téléconsultations est relancé chez les praticiens de la psychothérapie. On retrouve sur les forum et les réseaux sociaux les mêmes débats viscéraux, à la limite de l’empoignade, ce qui fait penser que ce qu’il se joue ne relève pas d’une approche empirique du sujet.
Nous allons voir comment cette résistance à la téléconsultation se base sur des peurs et à-priori que l’observation clinique ne confirme pas. L’enjeu vaut la peine qu’on s’y attarde, car il s’agit de permettre aux personnes fragiles d’éviter de sentir plus mal encore pendant cette période difficile, tout en permettant aux praticiens de continuer à travailler sans nuire à autrui.
Du côté des « thérapisants » (les personnes qui nous consultent), beaucoup de peurs viennent disqualifier cette possibilité qui leur est offerte de maintenir un suivi thérapeutique en ligne. Peur de la technologie et des aléas qu’elle implique parfois, peur que cela ne marche pas (en therme d’effet thérapeutique), peur d’essayer quelque chose de nouveau…
A toutes ces craintes, bien compréhensibles, on peut répondre que rien ne vaut un coup d’essai pour en avoir le cœur net et se faire une opinion en connaissance de cause. Il est tout à fait possible et légitime de demander un essai gratuit à son thérapeute (ce ne sera pas une consultation, bien sûr, mais une conversation en ligne pour tester le procédé). Ensuite, c’est au thérapeute de proposer l'outil le plus confortable et simple d'utilisation, qui ne demande pas à l'utilisateur d'installer quoi que ce soit sur son ordinateur ou sa tablette. Avec certaines des applications disponibles, un simple lien de connexion suffit et le tour est joué !
Enfin, pour ceux et celles qui choisissent de ne pas en profiter sous prétexte d’une préférence pour les contacts « en chair et en os », cela fait souvent symptôme d’une stratégie du « Tout sinon Rien », qui fait souvent partie de la difficulté pour laquelle ils/elles consultent. A ceux-ci je confirme qu’ils ont tout à gagner à poursuivre en ligne leur suivi thérapeutique, en s’épargnant ainsi une interruption délétère pour les bénéfices qu’ils ont déjà réussi à obtenir, avec effort et persévérance.
Du côté des praticiens, on entend dire que la « virtualité » ne permettrait pas de faire un travail efficace ? Les tenants d’un tel discours n’ont vraisemblablement jamais pratiqué la téléconsultation, sinon ils auraient constaté qu’elle met en présence les deux protagonistes (thérapisant et praticien) par les mêmes canaux sensoriels que ceux de la consultation en présentiel, à savoir la vue et l’audition. Seuls manque l’odorat, le goût et le toucher, bien peu indispensables dans la pratique de la psychothérapie pour adultes, et dont nous sommes de toute façon actuellement privés lors des consultations en présentiel, en raison du respect des gestes barrières et du port du masque !
Ce rejet de la téléconsultation relève donc d’un à-priori, voire d’une « résistance » qui elle fait symptôme, mais pour le/la thérapeute cette fois, et pour laquelle chacun(e) peut faire son propre examen de conscience (je devrais écrire d’Inconscient) : résistance au discours gouvernemental ? Résistance au changement ? Résistance à la frustration ? etc.
Certes, la téléconsultation demande aux thérapisants comme aux praticiens, et pour ceux qui ne l’auraient pas encore fait, de faire l’apprentissage de quelques outils informatiques. En même temps, peu d’entre eux ont émit les mêmes réticences pour apprivoiser le fonctionnement des réseaux sociaux sur leurs smartphones ou tablettes, et sur lesquels ils sont très actifs…. Seraient-ils devenus tout à coup incapables de la même adaptabilité dans leur travail ou pour leur bien-être psychique ?
Quant aux outils thérapeutiques à l'oeuvre dans l'effet thérapeutique souhaité, ils ne reposent pas sur les 3 « sens interdits » cités plus haut mais sont constitués essentiellement de l’écoute active, qui consiste à savoir accueillir dans la bienveillance la parole du thérapisant et d’entendre/détecter les maux derrière ses mots, puis de poser en conséquence une parole thérapeutique qui soulage. Cela requiert des compétences verbales et non verbales qui passent par les canaux visuels et auditifs seulement, et que la téléconsultation permet totalement, comme peuvent en témoigner les praticiens qui en ont déjà fait l’expérience.
Pour ma part, avec les thérapisants qui m’ont fait confiance lors du denier confinement et sont passés à la téléconsultation, aucuns n’ont partagé un retour négatif. Certains (la majorité) ont préféré par la suite reprendre des consultations en présentiel, d’autres (moins nombreux) ont maintenu la téléconsultaiton pour faire l’économie (en temps et en fatigue) des trajets.
Les seules restrictions dont il faut tenir compte concernent les troubles de la personnalité , et plus particulièrement les personnes schizophrènes, qui ont besoin de rester associées dans une réalité physique concrète, et les jeunes enfants pour lesquels la thérapie passe souvent par la manipulation d’objets concrets. Libre à nous donc, praticiens de la psychothérapie, de faire les choix les plus profitables pour nous-même et nos thérapisants, en toute connaissance de cause, et de mobiliser en cette période troublée les moyens qui sont à notre portée pour qu’advienne la résilience, la nôtre, comme celle des personnes dont nous prenons soin. Bien à vous.
